En ces temps troublés qui nous rappellent l’importance des gestes les plus simples, et du caractère fragile de choses que l’on croyait acquises… vous êtes nombreux à parler de commencer un potager, et c’est vrai que c’est le moment idéal !
Mais avec les restrictions de mobilité actuelles, pas facile de s’approvisionner en matériel et en plantes. Il existe de nombreux moyens de se débrouiller avec relativement peu et ce guide va vous expliquer ce que l’on peut faire ou non.
Si vous avez la chance d’avoir un jardin, inspirez-vous de ce guide pour commencer vos semis à l’intérieur ! En Provence, à moins d’être au bord de mer, il peut geler jusqu’à la mi-mai, ce que les anciens appelaient les Saints de Glace (cette année c’est du 11 au 13 mai 2020). Il est donc plus prudent de commencer le potager à l’abri chez vous, et c’est plus économique que d’acheter vos plants en pépinière…
EVALUER VOS CONDITIONS
Tout d’abord il vous faut un espace pour vos futurs plants, où est-ce que vous comptez les cultiver ? Avez-vous un balcon, une terrasse, un rebord de fenêtre ? Si c’est à l’intérieur, un endroit plus lumineux ?
Sachez qu’il y a un rapport chaleur/lumière à respecter, si une plante à chaud mais n’a pas de lumière elle va s’étirer très haut dans l’espoir de trouver un rayon… et ce n’est pas l’idéal… Si vous n’avez pas d’endroit ensoleillé faites en sorte que la plante n’ait pas trop chaud, en la mettant près de la fenêtre par exemple où il y a le plus de déperdition de chaleur.
Si vous avez un petit extérieur, vous devrez penser que les conditions ne sont pas les mêmes si c’est couvert ou pas. En termes d’ensoleillement bien sûr mais également de pluviométrie : s’il pleut fort cela peut endommager les tous jeunes plants, et vous ne pouvez pas contrôler précisément l’arrosage (vous verrez un peu plus bas en quoi c’est important).
LA BASE
Pour démarrer un potager en intérieur il y a 2 éléments que vous êtes obligés d’avoir :
- un contenant
- de la terre
Vous ne pouvez pas faire sans mais vous allez voir qu’on peut se débrouiller de plusieurs façons.
Tout est un contenant
Vous pouvez faire un contenant avec à peu près tout, à la condition d’avoir une profondeur adaptée à ce que vous voulez planter, que ce soit propre, et que ça résiste à l’eau.
Pensez que des contenants rigides (boite de conserve, bocal en verre…) rendent le « démoulage » plus difficile et ne sont donc pas recommandés pour des semis destinés à être transplantés en pleine terre. Mais si ce que vous semez n’a pas vocation à bouger, c’est une très bonne solution. Faites également attention aux matériaux qui peuvent surchauffer en plein soleil. Vous voudrez peut-être les protéger avec un cache fait en carton par exemple.
Des trous ou pas des trous ?
La plupart des contenants que vous pouvez acheter ont des trous dans le fond. En effet il faut que l’eau d’arrosage puisse être évacuée facilement, sans quoi elle s’accumulerait dans le fond et provoquerait une asphyxie puis un pourrissement des racines. Les godets par exemple, sont adaptés à une utilisation professionnelle avec une irrigation forte.
Dans le cas de contenants recyclés par vos soins, vous pouvez les adapter à votre utilisation. Si vous pouvez contrôler les besoins en eau de vos plantes, et que vous utilisez un vaporisateur léger (ce que je recommande), vous pouvez ne pas faire de trous, c’est plus propre. Mais ça ne marche que pour des contenants qui n’ont pas trop de profondeur. Si vous avez plus de 20 cm de terre il vaut mieux prévoir l’évacuation.
Des billes ou pas des billes ?
La couche de billes d’argile ou de gravier (couche de drainage) au fond des pots de fleurs ou des godets permet à l’eau d’être évacuée facilement lors d’un arrosage copieux, et à la terre de ne pas être emportée avec. Si vous optez pour un arrosage doux vous pourrez vous en passer. Cependant vous avez une bonne technique qui consiste à ne pas faire de trous et à mettre une couche de drainage au fond du pot, puis la terre. L’eau va s’accumuler dans la couche de drainage et va remonter vers la terre par capillarité. Cela constitue une réserve d’eau qui vous fera économiser des arrosages. Si votre contenant n’est pas transparent (vous permettant de contrôler de visu le niveau d’eau), il vous faudra percer un trou au-dessus de la couche de drainage pour savoir quand votre réserve d’eau est pleine.
Si vous avez assez de matériel à la maison, n’hésitez pas à vous documenter sur les bacs à capillarité (tapez « wicking bed » sur votre navigateur) ou à composteur intégré. On peut les faire soi-même et ils valent clairement le temps investi.
Quelle terre utiliser ?
Les plantes grandissent dans un substrat. Il y a de nombreux substrats possibles (billes d’argile, sable, terre, tourbe, coton, limons, terreau, humus….) chacun adapté à certaines plantes. Nous voulons de la terre pour notre potager, mais là encore, il y en a plein de différentes !
Si vous faites votre propre compost (même en appartement c’est possible !) c’est parfait et ne cherchez pas plus loin, passez-le au tamis, et semez dedans.
Si vous faites beaucoup de cultures dans votre appartement et que vous avez accès à une jardinerie, achetez un sac de terreau. Ça a un coût (faible) mais ça vous fera gagner du temps. Du terreau de préférence « tous usages » ou « semis » sera très bien.
Enfin une méthode plus longue mais gratuite, aller chercher votre terre en forêt. Essayez de trouver de la terre bien noire, sous les branchages ou les feuilles mortes. Attention à ne pas déranger les insectes et de ne pas abîmer les racines des plantes. Cette terre, l’humus, est généralement riche.
SI vous n’avez pas de forêt à proximité, utilisez n’importe quelle terre, même de la terre de chantier. Il vaut mieux jardiner avec peu, que pas du tout. Je vous dirai plus loin dans l’article comment apporter les nutriments qu’il manque à votre substrat.
YAPLUKA
Félicitations, vous avez maintenant un contenant plein de terre. Il ne vous reste plus qu’à planter, seulement voilà… on plante quoi ?
Pas besoin de graines !
Si vous n’avez pas accès à des graines, vous pouvez utiliser une partie des légumes que vous consommez pour les reproduire. Il y a une méthode adaptée pour chaque plante, que vous pouvez retrouver sur internet. En règle générale on immerge le pied pour que de nouvelles racines apparaissent, avant de planter directement en terre.
- Ail : plantez une gousse (une tranche de la tête, aussi appelé caïeu) pour voir émerger une tige verte. Vous pouvez manger cette tige, laissez toujours un bout dépasser et quand elle sèchera, votre caïeu aura grandi pour refaire une nouvelle tête !
- Carottes, betteraves, navets : En posant les « culs » de ces légumes sur une surface avec un fond d’eau, les fanes repousseront. Vous pourrez ensuite les transférer dans la terre. Dommage que le légume en lui-même ne repousse pas, mais ils se contentent d’un contenant peu profond. Les fanes peuvent être consommées en salades ou en velouté.
- Poireau
- Céleri
- Fenouil
- Laitue, Bol Choï (chou chinois)
- Basilic, Coriandre
- Gingembre : plantez un morceau directement en terre. Il a besoin d’un environnement humide et ombragé. Cette culture est bien plus lente que les précédentes.
- Patates douces : En suspendant un morceau au-dessus d’un peu d’eau, il va développer des racines et des feuilles. Plantez-le ensuite en pot.
- Pommes de terre : attendez qu’elles germent (en les exposant à la lumière) puis posez-les sur une faible épaisseur de terre dans un pot assez profond. Ajoutez la terre au fur et à mesure de leur croissance. Parfaitement envisageable dans un seau ou une poubelle recyclée.
- Oca du Pérou : Même principe que la patate, ce sont des tubercules très résistants qui n’ont pas de maladie connue et nécessitent peu d’eau.
- Topinambour : Plantez un morceau directement en terre pour profiter de cette culture très résistante et nécessitant peu de soin. L’intérêt de le cultiver en pot, comme pour les patates, c’est que la récolte est très facile ! Attention, cette plante peut devenir assez grande.
- Crosne du Japon : Pareil que le topinambour en plus exotique, et prend moins de place.
Les graines que vous avez déjà chez vous
Certains des légumes que vous achetez au marché contiennent des graines que vous pouvez utiliser si vous les nettoyez. Comme les variétés hybrides ne sont pas reproductibles, privilégiez les légumes bio et les variétés anciennes. Ce n’est pas toujours facile de savoir d’où viennent les légumes et le succès ne sera pas toujours au rendez-vous…. mais ça ne coûte rien d’essayer, au contraire !
Les graines que vous pouvez utiliser sont :
- tomates, poivrons, aubergines…
- courges, courgettes, melons, pastèques
- kiwis, citrons
- nombreux fruits à noyau : prunes, pêches, abricots, avocats… croissance lente mais décorative !
- des choses qui ne sont pas vraiment des graines mais très facile à cultiver : fèves, haricots (nains par exemple), pois (mangetout par exemple).
En gros je recommande de planter toutes les graines, noyaux et pépins que vous trouvez dans vos légumes avant de les cuisiner ! Mais si vous voulez des résultats rapides, ce sont les légumineuses qui ont les meilleures chances de réussite.
Les plantes que vous pouvez trouver dehors :
Vous pouvez prélever la tige de ces plantes et la plonger dans l’eau pour qu’elle fasse de nouvelles racines, que vous mettrez en pot ensuite. Vous obtiendrez un clone du plant-mère.
- thym, romarin, menthe, basilic
- groseillier
- cassissier
- framboisier
Des graines pour potager d’intérieur
Si vous pouvez acquérir des sachets de graines, voici celles que vous pouvez planter en pot :
- toutes les herbes aromatiques
- fraises
- épinards, blettes, laitues
- carottes, salsifis (dans des pots profonds), radis, navets
- haricots et pois (leur prévoir de quoi s’accrocher)
- fèves
- tomates, poivrons, piments, aubergines (les tomates-cerise et les petits poivrons type « Mini-Bell » marchent mieux mais dans tous les cas ces cultures ont besoin de grands contenants.
- souci, oeillet d’Inde, capucine : ces fleurs sont belles et comestibles !
Certaines plantes sont perpétuelles, soit parce qu’elles restent en place pendant l’hiver, soit parce qu’elles repoussent indéfiniment. Comme vous jardinez en pot, voici quelques exemples de la seconde catégorie :
- mâche perpétuelle
- basilic perpétuel
- ail rocambole
- oignon rocambole
RECYCLEZ TOUT !
Confinement ou pas, dans la démarche permaculturelle on essaie de réutiliser au mieux et autant de fois que possible nos déchets. Voici quelques exemples applicables chez vous.
Epluchures
Pommes de terre, topinambours, panais, carottes, choux, pommes, poires… :
La peau des aliments est très riche en vitamines, c’est dommage de la mettre au compost. Elle aussi très riche en pesticides donc faites-le seulement avec des fruits et légumes bio !
Vous avez de nombreuses idées et recettes sur internet.
Ail :
Les épluchures de l’ail contiennent des composés à base de souffre, le pire ennemi des champignons qui menacent vos plantes. Si vous les laissez reposer dans votre eau avant d’arroser, elle aura une action fongicide préventive de certaines maladies liées à ces champignons.
Banane :
Les peaux sont très chargées en minéraux. Si vous les laissez tremper 48h dans votre arrosoir, vous offrirez un bon boost à votre potager d’intérieur.
Consommables
Marc de café, sachets et feuilles de thé :
Les utilisations sont nombreuses et fourmillent sur le web. Au jardin, ils constituent une ressource nutritive très intéressante. Personnellement, je laisse sécher le marc de café au soleil pour pouvoir le saupoudrer plus facilement sur la terre de mes semis.
Eau de cuisson :
Quand vous faites bouillir des légumes, utilisez l’eau non salée et refroidie pour transférer ces vitamines perdues à vos cultures.
A l’inverse, l’eau de cuisson des pâtes, du riz et des pommes de terre, à cause de l’amidon, est un super désherbant.
Oeufs :
On peut utiliser des moitiés de coquilles pour faire de petits godets pour planter, mais je ne le recommande pas, c’est trop petit, fragile, et ça sèche très vite. Peut-être pour faire une activité avec les enfants à la limite ! Par contre je trouve intéressant de briser les coquilles pour les mettre au fond de mes contenants en tant que couche de drainage, et source de calcium. Si vous avez des ennuis de limaces, disposez-les autour de vos plants pour décourager celles-ci. J’ai noté que les coquilles d’oeufs ne se compostaient pas du tout, même après plusieurs années !
Compost
Si vous avez la chance d’avoir accès à un coin de terre à l’extérieur, faites votre propre composteur ! Ce serait dommage ne pas valoriser vos déchets de cuisine. Il vous suffit de fabriquer un contenant de n’importe quelle forme pour accueillir vos épluchures, bien que je recommande d’en faire deux, voire trois côte-à-côte afin de pouvoir clore un bac dès qu’il est rempli pour le laisser composter sans rajouter de matière par-dessus. Il faut compter un an en respectant les conditions d’oxygénation et le rapport carbone-azote que je ne veux pas détailler ici : de nombreux sites détaillent la marche à suivre pour obtenir un bon compost, ce que vous pouvez mettre ou non à composter, etc.
Si vous n’avez pas d’extérieur il y a trois solutions pour recycler ses épluchures en appartement et que vous pouvez construire vous-même :
- Le lombricomposteur, qui consiste à empiler des bacs étanches mais dont le fond est percé, que vous remplirez au fur et à mesure. Il contient des vers de compost qui peuvent passer d’un bac à l’autre par les petits trous. Le bac inférieur n’a pas de trou mais un robinet, il recueille les liquides qui servent d’engrais par la suite. C’est très intéressant mais vous devez faire une construction étanche pour que les vers ne partent pas en randonnée dans votre salon. Il peut aussi y avoir quelques moucherons donc je recommanderais de le placer plutôt dehors. Et vous pouvez en trouver dans le commerce.
- Le compost bokachi est très facile à faire et ne contient pas de vers, mais deux sceaux ou containers emboîtés ainsi que des bactéries que vous devez ajouter (une seule fois). Elles se trouvent sur internet. La décomposition est rapide et vous récoltez un engrais sous forme liquide, avec peu de matière solide. Intéressant si vous n’avez pas besoin de beaucoup de compost pour vos pots. A titre personnel, je n’ai pas encore essayé cette méthode.
- Le bac à composteur intégré nécessite un bac de culture assez profond (environ 40 cm) et consiste à creuser un puit dans votre terre, que vous viendrez renforcer avec un grillage fin (pour retenir la terre sur les parois du puits). Vous y déposerez vos déchets de cuisine et un premier apport de vers (si vous êtes hors-sol, car si votre bac est posé sur votre jardin extérieur les vers viendront d’eux-mêmes) et ce sont eux qui viendront se nourrir dans ce puit et circuleront dans tous le bac en le fertilisant. Toutes vos plantes profiteront ainsi de cette source d’eau (contenue dans les épluchures) et de nutriments. L’avantage est le gain de place et l’absence de manutention puisqu’il n’y rien à vider.
Pour finir
Vous avez à présent toutes les clés pour commencer votre potager d’intérieur avec quasiment aucun matériel ! Vous ne serez pas autonome en nourriture mais j’espère que vous prendrez plaisir à concevoir votre mini-jardin et à voir pousser vos petites plantes. Rien ne vaut le plaisir de croquer dans un légume qu’on a fait pousser soi-même !
Surtout, je précise que ce n’est qu’une petite partie de ce qu’il est possible de faire ! J’ai sélectionné ce qui me paraissait le plus abordable pour commencer. Souvenez-vous qu’il faut commencer petit, alors piochez dans ce guide les techniques qui vous parlent le plus et concentrez-vous sur ça. Vous aurez le temps d’en rajouter au fur et à mesure !
Si vous avez d’autres idées ou astuces, n’hésitez pas à les partager dans les commentaires, et pareil pour poser vos questions, nous y répondrons avec plaisir.
Prenez soin de vous !
S.
Merci Sylvain pour tous ces conseils! Utiliser l’eau de cuisson pour récupérer les vitamines je n’y aurait pas penser!!!
Un plaisir te lire, beau travail 😊
Article très intéressant ! Je prends note.
Merci Sylvain !!